Soif

J’ai soif de mots rompus sur ma peau
cachés là au creu de l’oreiller d’automne
à tout rompre – même la nostalgie
Dans l’adoration d’une saison d’orage, de vent et de feuilles fières

J’ai soif de ta bouche abreuvée à ma source
sur les parcours des marques sur l’épiderme
Là où l’hiver commence à se faire câlin
et mes paupières se ferment sur tes mains chaudes

J’ai soif de vérité coulée entre les muscles
entre nos draps partagés et heureux
pour le temps qui s’étire félin
entre les rayons doux que nous offrent les nuages

J’ai soif de ta main ample posée dans mon dos
au détour d’un chemin dans les parcs ombragés
ta main qui devient musique en sillonnant mon corps
dans l’archipel des songes que je t’offre en retour

J’ai soif de nos venins de tendresse
Indomptables désirs chargés de soupirs légers
Nos vêtements épars abandonnés et sereins
Épanchés à la source de la vie

Tu as manqué le train, c’est dommage (1)

Je porte en moi des pas esquissés sous un manteau de silence / Le train roule / Dans l’éclat des miroirs un visage sans reflet / Le mien qui tangue sous la houle des rails / Après la douceur des promesses qui tenaient sur tes lèvres humides / Ton parfum sur ma peau encore plus fort que l’arôme du wagon-restaurant / Tes yeux qui fuient mes désirs et le partage en cadeau / Tu as manqué le train qui passait / C’est dommage / Moi j’étais dedans à t’attendre sagement sur une banquette bleue / Des fleurs blanches sur mes genous / Pour toi mon sourire comme parure / J’ai attendu dans l’écho des stations qui défilent dans la nuit / Somnolente insomniaque qui ne trouve pas la paix de ton absence / Au rythme des bruits sourds des passages à niveau croisés la colère est venue / Maintenant je file très loin / Je regarde déjà ma montre pour la prochaine station qui approche / Ton ombre floue qui s’éfface dans la nuit des vitres embuées / À l’arrêt du train mon coeur sera léger / Une force nouvelle qui revient / Le courage d’oublier /

C’est beau Montréal l’automne

J’ai été foudroyée par la beauté de ma ville aujourd’hui. Montréal l’automne se pare toujours pour moi d’une robe aux tons qui lui vont à ravir. J’étais sur Saint-Laurent en bicyclette sous la pluie chaude de septembre, le sourire aux lèvres et le coup de roue rapide. Arrêtée à un téléphone public sans descendre de ma fière bécane, en équilibre le pied posé sur une borne fontaine rouge, je parlais avec ma copine Eza. [ Elle était aux prises avec un problème de montage pour lequel je lui filais un coup de main, chacune son tour de dépanner l’autre. Notre association s’appelle le EEP -prononcer Hèp!- et signifie Entraide Entre Pigistes.] J’étais là, sous la pluie, au coin Saint-Laurent et Des Pins, à trouver ma ville magnifique. La lumière de septembre est un poème. Les nuages gris voluptueux, se déclinant dans les tons de bleus virant au noir m’ont séduite. Puis les yeux et les sourires à la ronde malgrés la pluie. Un bout de peau et un tatouage asiatique sur un avant-bras masculin, un sourire encore (ou plutôt deux). Un air de musique africaine qui sort à tout rompre d’un commerce de brics-à-brac, son propriétaire tout sourire dehors qui semble crier que l’hiver ne nous envahira pas si facilement. Moi je roule encore plus vite quand il pleut, pas d’adhérance sous les pneus, pas de freins. J’adore. Puis ça fait des joues rouges et des jolis frisous de cheveux.

Furies 1/24 d’Estelle Clareton

J’ai vu Furies 24 d’Estelle Clareton. Un choc. Spectacle puissant plein de colère justifiée. J’y ai senti l’atomosphère de la Deuxième Guerre Mondiale, sans savoir qu’elle s’est inspirée de ces visites d’anciens camps de concentration pour guider son inspiration. En plein dans la gueule, j’ai reçu ce spectacle avec grand plaisir, avec la musique superbe et puissante de Éric Forget. Des distortions, des sons graves et de la guitare électrique pour venir appuyer les gestes emportés, les coups et les cris des danseurs. Je suis sortie de l’Agora sous le choc, mais aussi pleine de ces images superbes des corps propulsés par la rage et le besoin d’amour. L’utilisation d’une porte comme élément scénographique est astucieuse. Une porte sans mur, soutenue tour-à-tour par les différent danseurs. Cette porte sur laquelle on cogne pour passer de l’autre côté, cette porte sur laquelle on frappe pour se faire entendre de ceux qui sont de l’autre côté. Le refu d’ouvrir des uns versus la soif de liberté et de réponse des autres. La magnifique métaphore se pose au-delà de la guerre, c’est ce qui fait toute la force et la poésie du spectacle. Les danseurs étaient magnifiques et d’une précision ciselée, 3 hommes et 3 femmes, qui s’élancaient avec fureur et passion. J’ai été particulièrement touchée par la présence de Annik Hamel (que j’avais eu le plaisir de voir danser l’an dernier alors qu’elle était enceinte de 8 mois). J’ai aussi beaucoup apprécié le trio des hommes alors qu’ils dansaient ensemble, entremèlant leurs corps dans des mouvements au sol entre la danse contemporaine et le hip-hop.

Les trottoirs

Les murs de brique s’effritent
sous le regard passif
des trottoirs éternels

Silencieux témoins
complices
de tant de vices, de mal, de beauté aussi
Les trottoirs se taisent

De Saint-André à Plessis
de Sainte-Catherine à Ontario
les planchers de la ville
bétonnent en cœur
soufflent les yeux fermés
sales

Offrandes couchées
les trottoirs nous guettent
Ils attendent que Sonia, Micheline, Sheila
les abandonnent pour revenir
attendre

Les lumières des chars comme parure
ils prient la pluie
comme un pardon
pour luire de tristesse

La gorge étroite
les trottoirs voient disparaître
les murs de brique qui s’effritent
remplacés par des bâtisses propres
sans vice, sans âme

Silence, on court!

Vous connaissez ce site de court-métrages francophones? Si vous êtes au Québec, probablement. Si vous êtes ailleurs dans le monde: vous venez de faire une superbe découverte. Ce projet de web-tv pour lequel je travaille depuis 5 ans (déjà!) propose des court-métrages gratuits à visionner sur Internet. Et chaque semaine Silence, on court! propose des webzines (portraits vidéo inédits) sur des cinéastes, comédiens et producteurs francophones. J’ai une trentaine de reportages à mon actif. Je vous invite à aller y faire un tour, surtout que le site est refait à neuf et propose un tout nouveau look. Et le webzine de cette semaine est une de mes réalisations: portrait de la comédienne et réalisatrice Mariloup Wolfe. En page d’ouverture du site, vous cliquez sur la petite photo de Mariloup. Pour voir le reste (je vous recommande mon webzine sur la délicieuse Annie-Marie Cadieux avec qui j’ai fait une entrevue dans son lit), vous allez dans la section « tous les films » et vous allez à mon nom: Yannick B. Gélinas.

Article dans La Presse

Voici l’article de Stéphanie Brody qui parle du spectacle auquel j’ai participé samedi:
article dans La Presse du samedi 17 septembre 2005
Extrait:  » La vidéaste Yannick B. Gélinas, quant à elle, capte chorégraphe, danseurs et comédien en répétition pour retransmettre ses images lors de la représentation. « Yannick manie la caméra comme un danseur, commente Racine. Elle tourne autour de nous, prend des prises au ras du sol… » « 

Festival Internationnal de littérature

Image tirée de ma bande vidéo présentée samedi soir au FIL. Avec James Hyndman, Paul-André Fortier et Rober Racine. Essai vidéo entre la danse et le documentaire, avec ma signature de vidéo d’art. J’ai filmé ces messieurs en atelier de création pendant deux semaines, nous verrons le résultat de leur création dansée samedi à la Place des arts, tout juste après ma bande vidéo de 7 min. Comme dit Paul-André, j’ai mon solo!

Atelier de création au FIL

Je suis au coeur du bouillonnement: je participe en ce moment à un projet avec le FIL (Festival International de littérature). Je suis en studio pour deux semaines avec le chorégraphe Paul-André Fortier, le comédien James Hyndman et l’artiste multidisciplinaire Rober Racine. Je suis l’oeil et les oreilles qui captent l’essence de leur travail. Ils montent une pièce dansée sous la direction de Paul-André. Moment délectable pour moi: mariage heureux du documentaire et de la danse contemporaine. Je capte les faits et gestes, les moments saillants de la rencontre entre le chorégraphe, le comédien et l’écrivain. C’est comme me donner de la mousse au chocolat à volonté. Le plus difficile? Ne pas me mettre à danser moi-même…

Vous pourrez voir le résultat à Montréal samedi 17 septembre, à 20h, à la 5e salle de la Place des Arts.

Mot trouvé

Aujourd’hui dimanche je suis victime d’une rage de ménage, digne d’un grand ménage de printemps. Il faut dire que j’ai skippé le mien, de printemps, me poussant loin vers l’est. Et là qu’il me rattrape, le ménage. J’ai peut-être un peu été inspirée par mon amie Élise de Taiwan venue me visiter récemment et qui a réintroduit l’aspirateur dans mes habitudes (normalement je ne jure que par le sceau et la guenille).

Voilà que sous une boîte poussiéreuse je retrouve une merveille, un petit papier post-it fluo, touchant de beauté. Écrit en rouge souple sur ce fond vert, il saute aux yeux et au coeur. Sans signature, mais pas écrit de ma main, je ne sais plus qui me l’a donné: un amant, un amour, une amie? C’est touchant, et ça m’est destiné sans l’ombre d’un doute:
« Le goût des choses,
ton plaisir des sens
me ramène toujours
à l’essentiel: la vie »

Tiens, je crois me souvenir. C’est peut-être Madame A.
Mais qui sait? Si elle lit ceci, elle saura. C’est simple et beau, je veux bien qu’on l’écrive sur mon épitaphe.